Article de Caroline Eliacheff, psychanalyste et pédopsychiatre, publié le 7 mai 2014 sur le site du huffington post.
Ah comme elles ont changé les relations entre les 325 000 enseignants de primaire et les 9 millions de parents d’enfants en primaire! En bien? Non, en mal!
Cela ne surprendra pas ceux qui ont lu Conditions de l’éducation, signé par Marie-Claude Blais, Marcel Gauchet et Dominique Ottavi paru en 2008 (Stock). Les auteurs y analysaient la rupture de l’alliance apparemment naturelle entre la famille et l’école. « Les évolutions récentes de la famille la pousse à se décharger de son ancien rôle de socialisation sur l’école, tout en l’incitant à contester celle-ci et ses règles institutionnelles au nom de ses propres valeurs affectives » écrivaient les auteurs.
Georges Fotinos qui a questionné 4000 directeurs de maternelle et de primaire le confirme dans Le Parisien du 29 avril, en disant qu’ « il y a deux mondes qui s’opposent. La preuve c’est que la plupart des conflits sont centrés sur les punitions et les sanctions données par le corps enseignant aux élèves. Cela signifie que certains parents ne reconnaissent plus l’autorité de l’école sur leurs enfants. La conséquence presque inéluctable, ce sont les agressions ». Et de fait, 49% des directeurs se déclarent victimes d’agression.
Un autre sondage réalisé pour l’enseignement catholique et l’association de parents de l’enseignement libre auprès de 785 parents et 600 enseignants montrent que 38% des parents attendent des enseignants qu’ils développent les compétences personnelles des élèves. La présidente de l’association des parents, Caroline Saliou, reproche à l’école d’être focalisée sur la transmission des savoirs arguant que les enfants ont largement accès à ces savoirs, via internet.
« Dans un tel contexte » ajoute-t-elle « les parents attendent des enseignants qu’ils apprennent à exploiter ces savoirs, qu’ils développent le potentiel de chaque enfant, la créativité, l’imagination, l’esprit critique et la confiance en soi ». Elle témoigne on ne peut mieux que les évidences implicites sur lesquelles reposait l’entreprise éducative se sont délitées, notamment la transmission fondée sur des apprentissages traditionnels à base de familiarisation, d’imprégnation et de répétition. Pourtant, 69% de ces mêmes parents qui n’en sont pas à un paradoxe près, conseilleraient à leur enfant de devenir enseignant!
Une autre enquête menée auprès de 5000 parents dans 15 pays différents incluant l’Asie montre que la scolarité est la priorité n°1 des parents du monde entier. Elle est une source de stress pour 69% des parents Taïwanais alors que les Français sont les moins stressés du monde: ils ne sont que 17%. Ils sont également les moins enclins à laisser leurs enfants étudier à l’étranger alors que seulement 18% d’entre eux placent la France dans le top des trois pays offrant la meilleure éducation.
Pas la moindre étude en revanche sur ce que pensent les jeunes des relations entre leurs parents et les enseignants. S’ils sont conflictuels, ce n’est pas mieux que lorsque les parents s’engueulent. Peut-être qu’un peu plus d’indifférence et de respect réciproque ne ferait pas de mal!