C’est l’école garderie qui est en marche

Entretien avec Jean Robelin publié sur ragemag.fr le 26 avril 2013.

Jean Robelin, normalien, professeur émérite de philosophie à l’Université de Nice Sophia Antipolis, a récemment publié une tribune dans L’Humanité intitulée « La gauche et l’éducation » dans laquelle il revient sur la conception de l’École républicaine du Parti socialiste qu’il dénonce avec véhémence. Nous l’avons donc rencontré pour parler de cette grande institution.

Vous dénonciez dans L’Humanité la politique éducative de la gauche : « Non seulement la gauche n’a pas enrayé la perte de qualité de l’enseignement public, ni la dégradation de certaines des conditions de travail des enseignants, mais à bien des égards elle les a accélérées. » C’est un jugement très dur contre une gauche pourtant réputée proche des enseignants. Qu’a-t-elle accéléré ?

La gauche est coupable d’avoir promu et soutenu un modèle d’enseignant reposant sur l’ignorance : héritage des PEGC (Professeurs d’enseignement général de collège, NDLR) des années 60 et donc du SNI (Syndicat national de instituteurs, NDLR) de l’époque. J’ai passé ma vie à étudier une discipline, la philosophie, je suis loin d’en faire le tour, et on veut me faire croire que des gens seraient compétents pour en enseigner deux ou trois ! Aujourd’hui encore les Meirieu de service nous assènent qu’il faut des enseignants bi- ou trivalents, parce que les chers petits à 12 ans seraient perdus par le nombre d’intervenants. Voyons les faits. Dans l’école maternelle de ma petite fille, à Montreuil-sous-Bois (93), il y a des classes à deux maîtresses, les enfants vont dans d’autres classes que la leur, dans une organisation en modules, et il y a les animateurs du soir. Tout cela se passe bien, l’école est excellente. Donc le modèle simili famille, c’est de la poudre aux yeux, de la poudre officielle.

La gauche est coupable d’avoir retiré toute autorité aux enseignants, en les coinçant entre une administration dont on exige qu’elle ne punisse pas, et des associations consuméristes de parents d’élèves qui s’arrogent le pouvoir de juger les enseignants, de leur apprendre leur métier. Moins on entend parler d’un établissement, mieux son chef est considéré, c’est l’inverse de la prime au rendement : la prime au silence. Donc pas de vagues. La gauche est coupable d’avoir dessaisi les enseignants de leur métier en leur imposant les recettes de la cuisine pédago officielle. La gauche est coupable d’avoir, comme la droite, dévalorisé financièrement le métier d’enseignant, mais dans notre société, la dévalorisation financière est aussi symbolique. Alors bien sûr, le discours officiel se défausse sur la droite, qui a fait pire, et surtout plus anti-démocratique en s’engouffrant dans les brèches ouvertes par la gauche. Mais le résultat est là : aujourd’hui, tous les indicateurs sont au rouge. Le très officiel Antoine Prost est obligé d’admettre que le niveau baisse. La France régresse dans tous les tests internationaux… sauf dans ceux auxquels elle ne participe pas, comme certains tests scientifiques… Et c’est le moment choisi par Peillon et par tous les éducateurs officiels pour nous dire qu’il faut  faire confiance aux gens qui nous ont conduits à ce désastre.

Lire la suite de l’entretien

Laisser un commentaire

Archivé dans la catégorie : Blog