Nicolas Sarkozy a mésestimé la symbolique politique du pays

Entretien sur le site web nonfiction.fr avec Stéphane Rozès, président de Cap (Conseils, Analyses et Perspectives), enseignant à HEC et Sciences Po.

« Sur notre capacité à peser sur les politiques européennes à Bruxelles à long terme, je suis pessimiste car ceux qui sont aux manettes là-bas sont détachés des volontés démocratiques. Nos gouvernants ont tellement usé de la facilité qui consiste à externaliser sur les institutions européennes le soin de résoudre les contradictions des individus eux-mêmes. Ils intériorisent les effets des contradictions du capitalisme notamment la demande socio-culturelle exponentielle des nations et le fait que les politiques au sommet de l’Etat ne les équilibrent plus. Le problème, c’est que la division internationale du travail fait bouger les choses, mais que nous voulons continuer à bénéficier d’un certain nombre d’avantages, en reportant les problèmes sur les générations suivantes, d’où la dette par exemple. Les Français sont dans cette tension entre l’aspiration au commun, à un autre rapport au temps et au bonheur, et l’obligation de « pédaler de plus en plus vite » pour ne pas décrocher dans la situation économique actuelle. Ils sont capables d’être dans un écart terrible entre l’idéel et le réel. » (Stéphane Rozès)

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Les horizons terrestres, réflexions sur la survie de l’humanité

Le géophysicien français André Lebeau était l’invité de Pierre-Edouard Deldique dans l’émission « Idées » diffusée sur rfi le 4 septembre 2011. Il est l’auteur notamment de « L’enfermement planétaire » chez Gallimard en 2008 et, en 2011, d’un essai : « Les horizons terrestres, réflexions sur la survie de l’humanité » chez Gallimard également.

L’enregistrement audio de l’émission radio est disponible sur le site de rfi.

« L’homme, sa civilisation, se sont développés dans un univers dont on ne percevait pas les limites. On les percevait intellectuellement depuis longtemps mais elles n’exerçaient pas de pression sur l’activité économique de la société. L’homme a construit, parce que c’est sa nature profonde, une société d’expansion. Et puis, progressivement, mais très rapidement depuis le 19ème siècle, lorsqu’il a maîtrisé les sources d’énergie extérieures à l’énergie animale, l’homme a développé un système technique qui lui donne la capacité de puiser puissamment dans les ressources de la terre. De sorte qu’aujourd’hui la perception des finitudes de la planète est devenue présente. On le voit dans toutes sortes d’aspects, ne serait-ce que dans la montée du cours du pétrole. (…) Nous sommes donc confrontés à un phénomène qui n’a pas de précédent. (…) La société doit s’adapter à ce changement. Cette adaptation doit être profonde parce que la société pour l’instant est une société dirigée par l’expansion, le système économique est fait pour promouvoir la croissance et cette croissance se heurte aux limites de la planète. » (André Lebeau)

Lien vers l’enregistrement audio de l’émission (1ère partie)

Lien vers l’enregistrement audio de l’émission (2ème partie)

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Qu’est-ce qu’apprendre ? L’apport des neurosciences

Cet article vient de paraître dans le premier numéro de la nouvelle revue trimestrielle « Pro J » éditée par notre partenaire, l’Asbl ProJeuneS. Les deux derniers numéros de la revue « Résolument jeunes » (36 et 37) ont rendu compte des deux premières conférences du cycle 2011 du cePPecs consacrées à la question « Qu’est-ce qu’apprendre ? » (1). Tout en renvoyant le lecteur à ces deux textes, dont je vais seulement rappeler le propos central, je voudrais ici et dans deux numéros à venir de la revue, reprendre et développer certaines idées trop sommairement exposées précédemment.

Dans son texte sur la transmission, Marcel Gauchet fait l’hypothèse d’un basculement opéré il y a une quarantaine d’années. A la source de ce basculement, il y a l’achèvement d’un processus venu de très loin que l’auteur désigne comme processus de détraditionalisation. Nous vivions jusque là sur un compromis entre tradition et méthode. Avec l’achèvement de la détraditionalisation de nos sociétés, nous sommes passés d’un modèle pédagogique centré sur la transmission de contenus à un autre centré sur l’activité individuelle de l’élève. Mais, du même coup, nous avons basculé dans un nouvel unilatéralisme qui ne se préoccupe plus que des processus personnels d’appropriation en se désintéressant des contenus qui sont en question dans l’opération éducative.
Nous avons ainsi développé une vision strictement individualiste de l’apprendre au détriment de l’acte social de transmission par lequel une génération éduque la suivante, la dite transmission étant dès lors devenue hautement problématique. C’est donc à une redéfinition des raisons fondamentales qui rendent la transmission incontournable que nous avons à travailler, sans nostalgie ni possibilité de retour à un ordre de la tradition irrémédiablement dépassé.
C’est d’un autre point de vue, celui de la clinique, c’est-à-dire de l’observation compréhensive des élèves (compréhensive parce que s’efforçant d’atteindre, dans la logique instaurée par la psychanalyse et la sociologie compréhensive, les opérations subjectives que s’autorisent ou s’interdisent les élèves) que part le texte de Martin Dekeyser et Jean-Marie Lacrosse. Un point de vue nous semble-t-il d’autant plus pertinent, que c’est sur ces opérations internes d’appropriation individuelle que les pédagogies nouvelles mettent l’accent.

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Comprendre la dépression contemporaine

Ce texte est la retranscription de la conférence donnée par Jean-Marie Lacrosse à La Marlagne à Wépion le 13 octobre 2011 dans le cadre d’un colloque intitulé « Ecosystèmes humains – rythmes biologiques et dépression » organisé à l’occasion de la Journée Européenne de la Dépression par l’European Depression Day Wallonie en collaboration avec la Plate-Forme Namuroise de Concertation en Santé Mentale.

Les données sont là, vous les connaissez tous. Elles sont irrémédiables et sans appel. Elles ont récemment fait la une des grands journaux : plus d’un million de belges consomment chaque année des antidépresseurs dont plus de 230.000 chaque jour. Pourquoi, titre par exemple l’édition de la Libre du 7 septembre 2011 ? C’est évidemment la question que tout le monde se pose. Deux experts sont interrogés par le journal à ce sujet, la conseillère médicament au ministère de la Santé publique Anne Hendrickx et le président des psychologues praticiens d’orientation psychanalytique Francis Martens. La conseillère ministérielle évite prudemment de répondre à la question sur le fond. Elle se borne à questionner l’adéquation de la demande de soin de la part des patients d’une part, celle de la prescription des antidépresseurs d’autre part. La réponse du psychologue est plus substantielle : il évoque ainsi premièrement l’environnement social (la dépression serait étroitement corrélée d’abord avec la solitude, ensuite avec le chômage) et deuxièmement les firmes pharmaceutiques qui sont, je le cite « des pôles de pouvoir économique et politique gigantesques et qui ont avantage à tout médicaliser ». En réalité, poursuit-il, « l’hyperconsommation d’antidépresseurs est essentiellement une demande relationnelle avortée ». Et quand le journaliste lui demande « comment contrer cette surconsommation » ? Il répond : « Rien de plus simple. Il faut changer la société ».
Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais encore mentionner à titre de préliminaire un texte paru dans la revue Le Débat en 2001 de la psychiatre Michèle Brian « Sur l’expansion de la dépression : Comment se construit une maladie ? » . C’est un texte qui s’inscrit dans les orientations que je viens de vous laisser apercevoir mais en les approfondissant et en les argumentant soigneusement. « L’expansion de la dépression est, nous dit-elle, principalement associée au jeu de trois facteurs : la diffusion de la classification américaine des troubles mentaux (le fameux D.S.M.), le retentissement des enquêtes épidémiologiques et l’arrivée sur le marché d’une nouvelle génération d’antidépresseurs. C’est ce trépied, d’une grande cohérence et facile à communiquer, qui nous semble avoir déterminé l’essentiel de l’élargissement du domaine de la dépression ».

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Bilan des « Trente piteuses »

Petit village de 743 habitants, Douelle, est situé à 11 kilomètres de Cahors. En 1978, c’est à travers ce village que l’économiste Jean Fourastié avait étudié les « Trente Glorieuses » et observé les évolutions de la société française. Pendant une semaine, l’émission « Service public » s’installe à Douelle pour raconter les trente années succédant au Trente Glorieuses, les « Trente piteuses ».

Pour la dernière séance de l’enquête menée par France Inter dans le village de Douelle (Lot) sur les métamorphoses de la société française durant les trente dernières années, Marcel Gauchet est invité à commenter le reportage et à mettre en perspective les témoignages recueillis avec sa pensée de la sortie de la religion et du néolibéralisme.

Au micro de Guillaume Erner, c’est l’occasion de revenir sur les récents changements en matière de religion – laïcité, fin de la « civilisation paroissiale », résurgences des pratiques occultes… -, de politique – déclin de l’espérance révolutionnaire, place de la France dans la mondialisation… – ou de société, avec l’identification d’un « malaise français très spécifique ».

Vous pouvez (ré)écouter cette émission d’une cinquantaine de minutes en suivant le lien : http://prod.franceinter.fr/player/reecouter?play=32473

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Toutes les cultures sont-elles égales ?

Emission « Répliques » sur France Culture du 7 avril 2012 avec Paul Thibaud, philosophe, ancien directeur de la revue « Esprit », et Françoise Héritier, anthropologue.

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Les adolescents qui ont grandi avec le web ont encore besoin des adultes

Les adolescents sont demandeurs d’échanges avec les adultes et plus de la moitié d’entre eux regrettent de ne pas en avoir davantage, selon une enquête Ipsos Santé publiée mercredi à l’occasion de la tenue du 8e Forum Adolescences à Paris.

Cette enquête « illustre certaines incompréhensions et malentendus entre générations. Elle montre que 85% des jeunes ont besoin de leurs aînés pour devenir adultes, alors que 73% des adultes sont persuadés que les adolescents peuvent se passer d’eux. (…) De plus, les ados vont bien, 75% d’entre eux disent se sentir bien dans leur peau, alors que leurs aînés pensent, à 74%, que les ados sont plus souvent mal dans leur peau. »

Lien vers l’article du Point
Lien vers une synthèse de l’enquête

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Le Débat, n°169, mars-avril 2012

PUBLICATION
Revue Le Débat, n°169, mars-avril 2012, Editions Gallimard.
185 x 260 mm ; 192 pages

Où en sont les révolutions arabes (suite) ?
Hakim El Karoui : Où va le monde arabe ?
Henry Laurens : Une révolution sans utopie. Entretien.
Nora Benkorich : Les minorités dans le « printemps syrien ». Tous avec Bachar ?
Gilles Kepel : Journal d’Égypte.

Avant l’élection présidentielle américaine
Roger Persichino : Crise institutionnelle ou crise identitaire ?
Sylvie Laurent : Obama et les minorités raciales : le grand désenchantement.

Jean-Marc Jancovici : Que signifie « sortir du nucléaire » ? Éléments de réflexion.

Autour de Quatre-vingt-treize de Gilles Kepel
Hugues Lagrange : Le Neuf-trois entre communauté et société.
Dominique Schnapper : Les limites de la connaissance.
Malika Sorel-Sutter : Regarder la réalité en face.
Gilles Kepel : Une potentialité révolutionnaire.

Autour de La Société des égaux de Pierre Rosanvallon
Robert Castel : Repenser l’égalité.
Christian Paul : L’égalité, enjeu premier de 2012.
Philippe Raynaud : De la contre-démocratie à la contre-révolution.
Maryvonne de Saint Pulgent : Déclin de l’idée d’égalité ?
Paul Thibaud : L’optimisme démocratique de Pierre Rosanvallon.
Pierre Rosanvallon : D’une théorie de la justice à une philosophie de l’égalité.

La science économique sur la sellette
Robert Boyer : La discipline économique des années 1930 à nos jours. D’un espoir prométhéen à une dramatique révision.
Christian de Boissieu : Un aggiornamento nécessaire.
Jacques Mistral : La discipline économique envoûtée par la théorie de la finance. Leur essor, leur chute et les défis devant nous.
Christian Sautter : Éloge des économistes marginaux.
Robert Boyer : Le devenir incertain des théories économique et financière.

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L’illettrisme

Emission « Du grain à moudre » sur France Culture du 27 mars 2012 avec entre autres Alain Bentolila et Stella Baruk.

« L’illettrisme ne doit pas être confondu avec l’analphabétisme ni avec le fait de faire des fautes d’orthographe. Une minorité d’illettrés d’aujourd’hui sont encore des déchiffreurs laborieux, qui syllabent. Dans leur grande majorité, ce sont plutôt des jeunes qui picorent quelques mots dans un texte et inventent un sens. Là on est dans quelque chose qui est très préoccupant. Finalement, on se rend compte que l’idée même de la lecture, qui est le respect du texte, de l’auteur, l’acceptation de ce que l’autre nous a envoyé, pour en faire ensuite son miel, ce respect là dans l’illettrisme d’aujourd’hui est en train de basculer. » (Alain Bentolila)

Peut-on parler d’illettrisme dans le domaine des mathématiques ? Oui si l’on considère qu’elles sont une langue. Une sorte de 2e langue dont il faudrait saisir le sens. Cela fait plus de 30 ans que Stella Baruk alerte sur la confusion induite par l’école. Elle vient de publier « Mes premières mathématiques » chez Magnard.

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« M. Sarkozy est le premier président postmoderne de la Ve République »

Propos recueillis par Nicolas Truong et publiés dans Le Monde du 12 mars 2012.

Selon l’historien et philosophe Marcel Gauchet, M. Sarkozy a assumé ouvertement « une ligne directrice suivie en catimini par ses prédécesseurs Mitterrand et Chirac : la banalisation française dans l’espace occidental et mondial ».

Qu’est-ce que le sarkozysme ?

Il me semble se ramener à trois composantes principales : une composante personnelle, une méthode de gouvernement et sinon un programme, du moins une ligne de conduite. Chaque président a bien évidemment sa singularité, mais la personnalité de Nicolas Sarkozy a quelque chose d’exemplaire du point de vue de notre temps, elle a été perçue comme telle par l’opinion et elle se révèle déterminante à l’heure du bilan. En Nicolas Sarkozy, nous avons eu le premier président postmoderne.

Il incarne un individu avant tout privé qui n’a qu’un sens très relatif de ce qu’est la chose publique et de ce qu’est l’Etat. Dans un premier temps, sa parole libre, sa simplicité d’accès et son indifférence au formalisme ont séduit. Les choses se sont gâtées lorsqu’il est apparu que ce caractère direct et ouvert s’accompagnait d’une franche indifférence envers l’esprit de l’institution. Ce n’est pas le lustre de la monarchie républicaine qui est en cause, comme on l’a beaucoup dit. Les Français étaient mûrs pour un dépoussiérage de cette étiquette surannée. Le problème est plus profond. Il est que Sarkozy n’a tout simplement pas le sens de l’Etat.

Son comportement est typique de l’autoritarisme « sympa » que l’on retrouve un peu partout dans la société d’aujourd’hui. Il ne connaît que son inspiration personnelle. Il décide seul, en imposant ses foucades à coups de rodomontades. La réactivité et la détermination, qualités réelles face aux urgences, ont pour contrepartie des paroles en l’air et des initiatives intempestives. En cela, il est un personnage caractéristique de son temps. Le problème est que ce profil, qui peut faire merveille à la tête d’une entreprise, ne cadre pas avec ce qu’on attend des institutions républicaines.

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