
Note : Ce texte est une discussion critique de l’entretien que nous a fait parvenir notre ami Claude Zylmans et que nous reprenons ci-dessous.
D’origine portugaise, Antonio R. Damasio est professeur de neurologie, de neurosciences et de psychologie. Il est directeur de l’Institut pour l’étude neurologique de l’émotion et de la créativité de l’Université de Californie du Sud depuis 2005. Ses ouvrages, qui témoignent avec clarté de ses recherches, sont publiés en français chez Odile Jacob; les deux plus importants, aux titres explicites, sont : « L’erreur de Descartes. La raison des émotions » (1995) et « Spinoza avait raison. Joie et tristesse, le cerveau des émotions » (2003). Pour Damasio, qui n’a rien d’un réductionniste, c’est, en effet, le Spinoza de « L’Ethique » (et c’est là qu’il s’arrête), qui préfigure le mieux ce que doit être la neurobiologie moderne de l’émotion, du sentiment et du comportement social. L’entretien qui suit introduit bien à l’univers de recherches de cet homme passionnant et créatif, aussi éloigné des régressions comportementalistes et cognitivistes que des répétitions phraseuses psychanalytiques actuelles…
Antonio Damasio : « L’esprit est modelé par le corps »
(in larecherche.fr)
Quand vous admirez La Joconde ou écoutez l’une de vos oeuvres musicales préférées, ce n’est pas seulement votre cerveau qui est mobilisé, c’est votre corps. Émotions et sentiments, même les plus complexes, reflètent une dynamique que l’on commence seulement à explorer. Elle implique des cartes neurales qui traduisent l’activité du corps, dans toutes ses dimensions.
A RECHERCHE : Vous dites que la paramécie, avec son unique cellule, a des émotions. N’est-ce pas aller un peu loin dans l’emploi de ce mot ?
ANTONIO DAMASIO : Avec ses cils vibratiles, la paramécie perçoit immédiatement un environnement favorable ou défavorable, s’écarte vivement d’un contact que son unique cellule perçoit comme dangereux ou agressif, se rapproche de bactéries appétissantes. Ce faisant, elle exprime quelque chose comme le désir inconscient de rester en vie, de préserver l’équilibre du profil chimique de ce que Claude Bernard appelait le milieu interne. Bien que la paramécie soit dépourvue de tout système nerveux, son comportement manifeste déjà l’essence du processus émotionnel, il préfigure le monde de nos émotions. Cela ne signifie pas pour autant qu’elle ressente ces émotions. Elle n’en a pas le sentiment.
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