De la nécessaire mise en valeur des jeunes dans notre société

Retranscription de l’intervention de Jean-Marie Lacrosse lors du colloque sur « L’image des jeunes dans les médias » organisé par le Parlement de la Communauté française de Belgique le 23 février 2011, publiée dans Résolument jeunes, n°35, juin-août 2011.

En introduction de ce colloque consacré à l’image des jeunes dans les médias (1), vous m’avez demandé de traiter « de la nécessaire mise en valeur des jeunes dans notre société ». Un observateur étranger arrivant chez nous, un extra-terrestre par exemple, ne pourrait cependant qu’être intrigué par ce titre. Il constaterait qu’en comparaison d’autres lieux et d’autres temps, les jeunes semblent ici et maintenant mieux lotis et « mis en valeur » qu’ils ne l’ont jamais été. Ils sont pour la plupart exemptés de tâches pénibles, disposent de loisirs importants qui leur permettent pour une poignée d’euros de se rendre dans des îles paradisiaques, une part non négligeable de la richesse collective et individuelle disponible est consacrée à leur éducation, ils font l’objet de toutes les sollicitudes lorsqu’il s’agit de leur éviter les accidents ou les maladies, la liste pourrait s’allonger à l’infini. Et en particulier dans le vaste domaine des médias au sens large, ils sont loin d’apparaître comme des laissés pour compte : que l’on dénombre seulement la quantité de chaînes, de séries télévisées, de jeux, de réseaux sociaux, etc, qui sont à leur disposition.

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Qu’est-ce qu’apprendre ?

Toutes les conférences du cycle « Qu’est-ce qu’apprendre ? » sont désormais disponibles à l’écoute sur notre site en cliquant sur les liens suivants :

Martin Dekeyser et Jean-Marie Lacrosse, La clinique de l’école à la lumière d’une nouvelle théorie de l’esprit : la médiation

Marcel Gauchet, La question de la transmission

Marcel Gauchet, La question de la transmission (séance de questions-réponses)

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Pourquoi l’Occident ne va pas à gauche ?

Compte-rendu écrit par Bruno Sedran et publié dans Résolument jeunes, n°34, mars-mai 2011.
L’enregistrement audio de la conférence de Raffaele Simone est disponible ici.

Cet article constitue un compte-rendu ainsi qu’une piste de discussion de la conférence « Pourquoi l’Occident ne va pas à gauche » donnée par Raffaele Simone, professeur de linguistique à l’université de Rome 3, dans le cadre du cycle « Qu’est-ce que le socialisme ? ». Son livre « Le Monstre Doux – L’Occident vire-t-il à droite ? » a été traduit en français en 2010 chez Gallimard dans la collection Le débat.

Le constat parait évident. Les partis de gauche en Europe ne sont plus au pouvoir. En France, la gauche a perdu le pouvoir en 2002, en Allemagne en 2005, en Italie en 2008, au Royaume-Uni en 2010 et la liste est longue. Aujourd’hui, dans le monde qui nous entoure, il est difficile d’imaginer que des idées de gauche ont transformé la société et que d’autres préparent le futur. Dans ce cadre, la gauche semble victime d’un épuisement historique de ses missions. De plus, cette tendance s’étend au point que c’est « l’Occident tout entier qui vire à droite ».

Raffaele Simone développe les causes de ces changements perçus dans la politique en quatre couches qui permettent de comprendre qu’un bain de culture, lié à une culture de masse, modèle l’esprit du temps.

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Cycle 2011 : Qu’est-ce qu’apprendre ?

Vous pouvez réécouter l’ensemble des conférences que nous avons organisé pour ce cycle.

Il vous suffit de cliquer sur l’intitulé de chaque conférence pour accéder à la page qui lui est consacrée reprenant l’enregistrement audio et, éventuellement, l’enregistrement vidéo ou la retranscription écrite via une publication.

Marie-Claude Blais, Marcel Gauchet et Dominique Ottavi sont les co-auteurs de deux ouvrages essentiels et uniques en leur genre pour repenser l’éducation en ce début de 21ème siècle, Pour une philosophie politique de l’éducation (2002) et Conditions de l’éducation (2008).

Nous les avons invités en Belgique pour prolonger leur réflexion sur la véritable révolution éducative qui se déploie depuis une quarantaine d’années, une révolution qui a comporté, pour un de ses aspects les plus cruciaux, un déplacement dans les représentations de la connaissance mobilisées par l’apprentissage scolaire.

Comment définir ce grand basculement sur ce que veut dire apprendre ? Quelles illusions et quelles difficultés nouvelles a t-il secrété ? Et finalement que savons-nous véritablement de ce que veut dire apprendre? Nous reposons dans ce domaine sur des théories et des façons de penser ancrées dans de puissantes racines historiques et sociales qu’il y a lieu, bien qu’elles se parent souvent de l’autorité de la science, de soumettre à un examen sans complaisance.

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« Into the wild », une approche de l’individu hypermoderne

Article écrit par Myriam Ippersiel et publié dans Résolument jeunes, n°33, décembre 2010-février 2011.

Qui est ce nouvel individu qui émerge dans nos sociétés occidentales, nommé individu hypermoderne, et qui fait l’objet de nombreux ouvrages ? Je prends le parti de mettre en exergue certaines de ses caractéristiques au travers d’un héros de film contemporain : Christopher McCandless du film « Into the wild ». Cette étude est à considérer comme un exercice, une monstration, non pas une démonstration. L’approche que j’utilise est donc une approche selon les concepts de l’hypermodernité et non une approche « cinéphilique », les thématiques abordées ont un caractère exploratoire et illustratif et ne sont pas exhaustives, la démarche que j’emprunte est celle d’un hypermoderne par le fait qu’elle part d’une singularité, celle d’un personnage.

Avant de plonger dans l’analyse proprement dite, je souhaite présenter en quelques points le pourquoi du choix du cinéma contemporain. Premièrement, j’ai émis l’hypothèse que l’ambiance sociétale hypermoderne ainsi que ce nouvel individu hypermoderne se trouveraient largement présents. En effet, les films contemporains produits dans l’espace sociétal hypermoderne sont la création d’individus provenant de cette société et sont adressés à un large public, lui aussi de la même provenance. Dès lors, j’ai postulé qu’un reflet, du moins partiel et certes biaisé, de ces individus serait clairement visible. Ainsi, l’air du temps, selon moi, transparaîtrait dans ce cinéma. Deuxièmement, nous nous trouvons à « l’époque de l’écran global » (1). Que ce soient des écrans tactiles, miniatures, vidéos ou autres, qu’ils se trouvent en rue, en avion, au restaurant ou en voiture, nous sommes sans cesse confrontés à l’omniprésence de l’écran et dès lors sans arrêt bombardés d’images. Troisièmement, le visionnage des films a acquis, dans une large mesure, un mode hypermoderne : « dérégulé, désynchronisé, où chacun visionne le film qu’il veut, quand il veut, où il veut » (2) et ce, notamment grâce aux DVDs. Enfin, « non seulement le cinéma n’a pas de tradition ancestrale, mais ce qui l’agence ne cesse de changer et d’impulser des effets à temps brefs – impermanence du cinéma qui le rattache au plus profond à la logique de la mode » (3).

Présentation du film et résumé

 « Into the wild », film réalisé par Sean Penn, est inspiré d’un roman de Jon Krakauer, également intitulé « Into the wild », traduit en français par « Voyage au bout de la solitude » et qui constitue lui-même la biographie de Christopher McCandless (12 février 1968 – 18 août 1992).

Le film « Into the Wild » relate l’histoire de Christopher McCandless et plus particulièrement sa traversée des Etats-Unis dans le but ultime de rejoindre l’Alaska où il compte vivre en solitaire et goûter aux joies de la nature. Le film est composé de flashbacks sur l’enfance du héros, de ses déboires sur les routes américaines (1990-1992) et de sa vie en solitaire en Alaska (de mai à août 1992). La jeunesse de Christopher, dit Chris, est évoquée par Carine, sa sœur cadette, tandis que le récit de son expédition à travers les States et celui de son séjour au grand Nord sont tirés des propres notes de l’aventurier.

L’enfance de Chris et Carine fut marquée par les disputes incessantes de leurs parents. L’intérêt matérialiste de ceux-ci et l’autorité stricte du père ont imprimé des traces indélébiles chez Chris. De plus, au cours d’un séjour en Californie, à la fin de ses études secondaires, Chris apprend, par des amis de la famille, que son père avait déjà été marié précédemment. De cette union sont issus des enfants dont un fils que le père n’a jamais reconnu. Chris découvre également que sa mère était la maîtresse de son père avant leur mariage. Selon Carine, ces révélations ont « brisé » Chris. Ces bouleversements l’ont conduit à choisir un autre itinéraire que la voie qui lui était tracée.

En 1990, Chris décroche son diplôme universitaire. Ses parents, qui espèrent le voir partir à Harvard pour y étudier le droit, veulent lui offrir une voiture neuve. Chris la refuse. Il n’a qu’une idée en tête : quitter le domicile familial. Il brûle alors ses papiers d’identité, fait don d’une partie de ses économies à Oxfam, se défait du reste et part à bord de sa vieille voiture. En route pour l’aventure, Chris est confronté à un raz-de-marée. Contraint d’abandonner sa voiture endommagée par les éléments, il poursuit sa route à pied tel un vagabond. Il prendra d’ailleurs pour pseudonyme Alexander Supertramp (super vagabond).

Alors que ses parents découvrent qu’il a quitté son appartement d’Atlanta sans laisser de trace, Chris est en Californie du Nord où il a fait la connaissance de Jan et Rainey, deux routards hippies qui voyagent en camping-car. Il passe quelques jours avec ses deux compagnons de fortune avant de les quitter sans prévenir. Seuls quelques mots de remerciements sont écrits sur le sable.

En septembre 1990, Chris a atteint le Dakota du Sud et travaille dans une plantation de maïs. Au cours de son séjour il écoute attentivement les conseils d’un fermier concernant la chasse, le découpage de la viande et la façon de la conserver. Il explique à son chef, avec qui il entretient des liens amicaux, qu’il souhaite rejoindre l’Alaska pour y vivre seul en pleine nature. Son chef, Wayne, tentera de l’en dissuader au fil des jours. Suite à l’arrestation de Wayne, Chris reprend son périple. Durant ce temps, ses parents le cherchent. Ils apprennent le don à Oxfam et comprennent que Chris n’a pas l’intention de revenir. Ils engagent alors un détective privé et avertissent la police fédérale de sa disparition.

Arrivé en Arizona, Chris décide d’entreprendre la descente de la rivière en kayak sans disposer du permis nécessaire. Au cours de sa descente, il rencontre Sonja et Mads, deux jeunes Danois un peu déjantés à qui il se confie. Les trois larrons aspirent au même désir : rejoindre le Mexique. L’arrivée de la brigade fluviale oblige Chris à écourter ce moment et à quitter le fleuve précipitamment. Un peu perdu, Chris songe à appeler ses parents et plus particulièrement sa sœur mais en abandonne l’idée. Carine, sans nouvelle de son frère tente de se convaincre que tout va bien.

En décembre 1990, Chris tente de passer la frontière mexicaine mais sans succès étant donné qu’il n’a pas de papiers d’identité. Il décide alors de remonter vers le Nord. Il saute dans un train de marchandises et arrive à Los Angeles où il se rend dans un centre d’accueil pour sans abris. Il change vite d’avis, quitte le refuge et reprend alors un train duquel il se fait éjecter par une brigade anti-clandestin. Et tandis qu’il poursuit son aventure « en stop », ses parents, eux, s’inquiètent chaque jour davantage.

En décembre 1991, Chris s’établit dans un campement où il retrouve Jan et Rainey. Il y fait la connaissance de Tracy, une jeune chanteuse de seize ans qui se produit en concert dans le camping. Chris passe beaucoup de temps avec cette jeune fille qui s’éprend rapidement de lui. Il lui parle essentiellement de l’Alaska. Chris poursuit sa route et quitte le campement.

En chemin, il rencontre Ron Franz, un vieil homme qui vit seul depuis la mort de sa femme et son fils tués par un chauffard. Ron travaille le cuir dans son petit atelier. Il apprend les rudiments du métier à Chris. Tout en travaillant, ils conversent l’un et l’autre, notamment à propos du sens de la vie. Chris invite Ron à sortir de son quotidien et quitter la monotonie. Il affirme que la joie de vivre réside dans les nouvelles expériences vécues et non dans les relations humaines. Ron comprend que Chris veut fuir ses parents. Il lui enseigne que : « quand on pardonne, on aime et que quand on aime, Dieu répand sur nous la lumière ». Ron souhaite aider Chris. Nous sommes alors en mars 1992. Ron accompagne Chris et l’emmène au plus près du but que Chris veut atteindre. Au cours de leur voyage, Ron exprime son désir d’adopter Chris mais celui-ci propose d’en discuter à son retour d’Alaska. La discussion n’aura jamais lieu.

Une fois le territoire atteint, Chris s’établit à Fairbanks. Aux pieds des montagnes enneigées, un vieux bus abandonné lui sert de refuge. Dans une solitude absolue, il y passe cinq mois à tenter de comprendre la nature et l’être humain. Il vit de la chasse, de la pêche et de la cueillette de baies sauvages. Il construit un barrage pour s’approvisionner en eau. Il explore la région, grimpant en altitude pour y découvrir des lieux enchanteurs et exceptionnels. Il éprouve des joies mais subit également des échecs. Ainsi lors de la capture d’un renne, il ne sait comment procéder à sa conservation et ne peut donc en manger la viande devenue avariée.

Décidant de rentrer chez lui, après deux ans d’absence, il est contraint de rester sur place. Il ne peut, en effet, franchir le fleuve en crue. Il écrit d’ailleurs que la traversée de la rivière est impossible et qu’il se sent seul et effrayé. En attendant la décrue, Chris, affamé, se nourrit de baies et de racines. Mais celles-ci lui sont fatales. Empoisonné par des racines de pommes de terre sauvages, Chris ne peut survivre. Durant sa lente agonie, il comprend que la solitude n’est pas l’idéal de l’homme. Peu de temps avant son décès, il écrit au stylo sur une page de son livre « Le bonheur n’est réel que lorsqu’il est partagé ». Il laissera également une note signée de son vrai nom et pas de son pseudonyme Alexander Supertramp disant « J’ai eu une vie heureuse. Merci à Dieu, qu’il vous bénisse ».

Il meurt le 18 août 1992. Son corps sera retrouvé par des chasseurs deux semaines plus tard.

Thématiques hypermodernes abordées

Le fantasme d’auto-engendrement

L’homme contemporain est amené à se définir « de plus en plus par rapport à lui-même » (4). Jean-Pierre Lebrun (5) en arrive à dresser le constat que l’individu hypermoderne a tendance à croire qu’il est à sa propre origine. Ainsi, au travers de son personnage principal, le film « Into the Wild » met en scène le fantasme d’« autofondation ». En effet, Christopher McCandless intitule la première étape du périple qui le mènera en Alaska « my own birth », traduit en français par « ma propre naissance ». Le protagoniste, en s’attribuant de la sorte sa naissance, semble en arriver à concevoir qu’il est son propre principe de création, qu’il s’engendre lui-même. De plus, il s’octroie une nouvelle dénomination, « Alexandre Supervagabond », qui concrétise un nouveau départ dont il conçoit être l’unique initiateur. L’acquisition de ce pseudonyme manifeste sa détermination à se fabriquer lui-même, à s’auto-engendrer. Carine, la sœur de Christopher, narrant certains passages de la vie de son frère, utilise d’ailleurs, pour l’évoquer, la métaphore d’une rivière qui aurait inversé son courant et coulerait vers sa source.

Christopher McCandless renforce ce sentiment d’« auto-engendrement » en niant ses parents. Questionné à leur propos lors de ses multiples rencontres, il obvie à toute discussion ou répond évasivement. Il dénie tout lien avec ses parents et même plus, lors de sa dernière rencontre, il se déclare sans famille.

Toutefois, à la fin du film, il signe un écrit de son vrai nom (Christopher McCandless). Une façon pour sa rivière d’enfin couler vers l’aval? Une reconnaissance implicite, au terme de son périple et au seuil d’une mort imminente, de l’impossibilité de s’auto-engendrer ?

De l’appartenance à la désappartenance

Selon Bernard Fourez (6), l’individu traditionnel est caractérisé par l’appartenance. Celle-ci pourrait se définir comme une représentation symbolique d’un collectif, d’un ensemble, d’un tout. Elle n’est pas créée par l’individu car elle lui est antérieure. Elle préexiste à sa venue au monde et lui est donc insufflée. L’auteur considère que l’appartenance « fonde l’individu et le marque d’un rapport aux autres qui préexiste par rapport à sa singularité » (7). En effet, dès son arrivée au monde, l’individu « se voit marqué du sceau des autres » (8). Par exemple, dès sa naissance, l’individu appartient à un certain type de profession familiale – profession d’agriculteur de père en fils – ou est plongé dans une appartenance religieuse, régionale, politique, etc., ce qui situe directement l’enfant dans un ensemble sociologiquement déterminé. Dès lors, l’individu reçoit d’emblée la trace des autres en lui et apprend ainsi qu’il n’est pas que lui.

La fin du XXème siècle est caractérisée selon Marcel Gauchet par « l’effacement de la structuration par l’appartenance » (9). L’individu ne voit le monde qu’à partir de sa singularité et éprouve des difficultés à se penser déterminé par autre chose que lui. L’auteur explique que l’individu contemporain ignore (10) qu’il vit en société en ceci « qu’il n’est pas organisé au plus profond de son être par la précédence du social et par l’englobement au sein d’une collectivité ». C’est un « individu déconnecté symboliquement et cognitivement du point de vue du tout, individu pour lequel il n’y a plus de sens à se placer au point de vue de l’ensemble ».

Au début du film, il est manifeste que le milieu aisé dans lequel évolue notre héros le détermine à divers niveaux (études, argent, etc.), le qualifie et nous montre à voir un individu d’appartenance. Tout en restant inscrit dans cette appartenance, Christopher développe au cours de son adolescence les embryons de ses rejets futurs, à savoir essentiellement ceux relatifs à la souffrance face aux disputes de ses parents, à l’autorité oppressante de son père et plus tard à la découverte d’une fratrie non seulement cachée mais aussi niée par son père.

Le moment où Christopher reçoit son diplôme d’université est le moment précis où sa vie bascule. En effet, à cet instant Christopher se découvre disponible à envisager son futur par lui-même et non plus en tant que jouet du déterminisme inhérent à son appartenance. Mais son choix ne peut pas être totalement délibéré tant il est plombé par les accumulations antérieures de souffrance, de sujétion, de matérialisme outrancier. La première manifestation concrète de rejet sera celle du refus d’un cadeau matériel (voiture). Viendra plus tard le don altruiste de son argent (Oxfam). La seconde manifestation est relative à sa position au sein de sa famille légitime. L’abandon délibéré de son patronyme et la destruction de ses papiers d’identité l’extraient de facto de cette famille. Cette démarche est tellement radicale que nous ne pouvons que nous interroger sur sa brutalité. N’est-elle pas liée au choc subi par Christopher à la révélation inopinée d’une fratrie, auquel cas l’abandon volontaire de son nom propre serait un pendant à l’absence d’un nom légitime imposée à son demi-frère?

Le choix de Christopher aurait pu déboucher sur des voies bien diverses. Il choisira tout d’abord le renoncement à une confrontation avec son milieu, et ensuite plus radicalement le refus de construire voire même d’envisager un futur aux contours bien dessinés dans une perspective de pérennité. Son choix sera de ne pas choisir et s’il est déterminé à ne pas (ne plus !) se laisser imposer quoi que ce soit, il n’en demeure pas moins aux aguets, prompt à saisir toute opportunité qui irait, le moment venu, dans le sens de ce qui lui paraîtrait correspondre à ses perspectives du moment présent. Adopter comme nouveau patronyme « super vagabond » est révélateur de l’absence de perspective et d’anticipation chez Christopher.

On objectera qu’il veut aller en Alaska, que c’est son idée fixe. L’Alaska, en fait, c’est son Atlantide, sa Callipolis, endroit idéal, non façonné par l’homme et donc vierge de tout ce qui caractérise l’humain. Cette contrée, il en fait le paradigme de son Eden : toute l’épure de sa vie sera là gommée lui laissant une page blanche où, pense-t-il, il pourra se dessiner une nouvelle existence. Après quoi, Christopher, ayant endossé « sa » vie compte revenir « dans le monde ».

L’absence d’anticipation citée plus avant est à comprendre comme seule relative au cheminement vers l’Alaska, et à son post-Alaska. Car en ce qui concerne son séjour là-bas, l’anticipation est bien décelable dans ses agissements préliminaires. Le dénouement tragique de son épopée se trouve inscrit dans l’absence de préparatifs rigoureux que ce genre de projet nécessite. Manque de lucidité ? Conviction trop forte qu’il ne pourra que réussir ? Fantasme d’autarcie ?

Christopher est un individu de désappartenance car tout en appartenant, il voudrait ne plus appartenir. Il bannit l’appartenance à son milieu, et au-delà toute appartenance subie. Il a la volonté de ne donner corps qu’à sa seule fraction individuelle. Se sachant organisé par une précédence, il vise à se déconnecter du tout et aliène toute fraction impersonnelle en son sein. Il refuse tout dictat autre que le sien, se veut libre de toute attache dans une quête de pureté ultime. Son choix d’une immersion dans la nature sauvage procède de sa volonté de rejet de son appartenance. Ainsi tente-il de casser son assujettissement à son appartenance familiale et sociale, non pas pour s’articuler à cette dernière, mais plutôt pour s’en extraire totalement. Il tente de rompre avec son appartenance non pas pour la réintégrer ultérieurement mais pour s’en départir à jamais et ne conserver qu’une fraction individuelle agissante. Il résout son être-moi par un processus de détachement et d’extraction.

Le comportement de Christopher montre l’émergence d’une individuation manifestée par une opposition, parfois implicite parfois explicite, à diverses composantes de son environnement. Néanmoins, il ne tente pas d’articuler ses fractions singulières et collectives les unes aux autres. Le processus est alors inabouti puisque Christopher n’envisage le déploiement de sa fraction individuelle que de manière exclusive. Il rentre alors dans un processus d’extraction car il semble concevoir être lui dans la mesure « où il peut se déprendre de quelque adhésion que ce soit » (11). Sa démarche le place ainsi sur la voie d’un processus d’individualisation : tout doit émaner de lui-même (d’où le fantasme d’auto-engendrement) et tout ce qui lui est extérieur, il refuse d’y être assujetti.

Le franchissement de la frontière ténue entre ces deux processus est concrétisé par deux éléments prépondérants : son changement de patronyme et la destruction des papiers d’identité. Tout lien est brisé, l’extraction est complète, immédiate et, le pense-t-il, irréversible. Pour Christopher, s’extraire, ce serait se retrouver unique et individu.

Pour l’individu hypermoderne, l’appartenance est reconduite sous une autre forme (12). En effet, l’appartenance assignée est délaissée au profit d’une appartenance choisie. Elle n’est plus subie mais bien agie. L’être humain tente « de rendre ces appartenances aussi délibérées que possible, de les épouser au lieu de les subir » (13). Ainsi, au cours de ses pérégrinations, Christopher se crée des appartenances (hippies, fermier, routards, etc.), dissoutes aussi vite qu’elles sont nées. Conformément à sa volonté, ces appartenances, tributaires de relations concrètes, cessent d’agir sur lui à leur terme : aucun lien ne persiste. Christopher se dessaisit de toutes ces appartenances et n’intègre aucune valeur ou symbole dont ses rencontres auraient pu l’investir. Pareillement, nous notons que ces relations/liens sociaux initiés par lui-même, donc non préexistants, sont éphémères. Relations de type horizontal, il les choisit délibérément et en provoque les vicissitudes.

Si l’exil est un phénomène intemporel, ce qui situe le cheminement de Christopher dans un processus hypermoderne tient dans la manière dont il compose ce cheminement. Nous notons cependant un paradoxe : ainsi le non-subi est vécu dans un environnement subi (la nature a ses propres lois et les impose). Christopher choisit sa retraite dans un lieu dont il sait devoir subir les lois ; la persistance dans ce choix pourrait participer à expliquer son échec final (la mort).

Indépendance

Si le libre choix et la décision constituent un gage d’autonomie pour l’individu hypermoderne, celui-ci témoigne par ailleurs d’une volonté farouche d’indépendance. Christopher se veut l’unique gouverneur de son existence ; les seules lois auxquelles il veut se soumettre sont celles qu’il aura édictées. Tout ce qu’il perçoit comme subi, imposé, il l’exclut. La manifestation extrême de ce rejet sera la négation de son identité « administrative » propre (brûler papiers et photos d’identité).

Au delà, il se veut démiurge : tout émanera de lui et de nul autre. Mais il n’envisage pas cette démarche sous l’angle de la confrontation : pas question de combattre pour être le maître à décider.  Son établissement en Alaska est symptomatique de cette option en ce sens qu’aucun être ne s’y trouvera pour le contrecarrer, le freiner, le gêner, le dérouter.

Christopher décide aussi d’être autosuffisant. Il cherche ainsi à se déprendre de toute adhésion : il sera un maître sans sujet, ou mieux il sera maître et sujet, car une suzeraineté implique une dépendance ce qu’il exclut radicalement. Se passer de l’autre est son défi ultime.

Chez lui, la confusion est patente entre autonomie et indépendance. Dans son esprit, liberté comme autonomie ne se conçoivent que comme opposables à assujettissement et dépendance, ce qu’il exclut identiquement, les fusionnant sous le seul vocable de « liberté ». La quête de Christopher est sa liberté conçue comme une indépendance radicale.

Christopher s’il revendique une totale indépendance, voit celle-ci reconnue et respectée par les personnages qu’il rencontre dans son errance. Si quelques uns l’interrogent sur son voyage, lui donnent un avis, voire tentent de le dissuader, ce sera toujours dans le respect de l’indépendance revendiquée par Christopher. Non seulement ces personnages respectent sa volonté d’indépendance mais aussi en quelque sorte participent à sa concrétisation (Ron conduira en voiture Christopher vers sa destination, un fermier lui apprendra à conserver la viande de sa chasse, etc.). Christopher au contact de ses rencontres verra sa quête d’indépendance chaque fois assouvie puisqu’aucune entrave ne lui est faite et donc sans qu’il ait à lutter pour en conserver l’intégrité.

Ayant atteint son but, Christopher quitte le rêve pour la réalité. Il découvre alors que sa liberté-indépendance n’est pas absolue : il refusait le subi mais le voici subissant les lois de la nature. En s’isolant, il se retrouve assujetti à des lois insoupçonnées et donc non anticipées. Il n’en perçoit pas la force et n’en prendra la mesure qu’au moment où la mort le guette (son empoisonnement accidentel). Le parcours indépendantiste qu’il s’est tracé trouve là sa première mais aussi sa seule et dernière entrave.

Individualisme

L’homme contemporain est caractérisé par l’individualisme qui est à comprendre selon cet axe : « voir le monde à partir de la particule et non plus à partir de l’ensemble » (14). Autrement dit, l’homme hypermoderne voit le monde à partir de sa singularité, de son individualité et non plus à partir d’un tout qui l’agence.

Tout dans le comportement de Christopher le fait appréhender comme un individu qui ne conçoit le monde qu’à partir de sa seule fraction individuelle/personnelle. Lorsqu’il dit « l’important n’est pas d’être fort mais de se sentir fort », il se jauge à une échelle qui se réfère à sa seule fraction individuelle et non à l’échelle d’un tout, d’un ensemble. Il ne prend en considération que son propre développement plutôt que la pertinence de son action dans un ensemble. S’il en vient à brûler ses papiers d’identité, c’est pour mieux manifester, d’une part, son refus d’être inclus dans un ensemble, et d’autre part, sa revendication de se placer en marge de toute loi humaine.  Il ne veut pas seulement être « un parmi d’autres », il veut être « un » tout seul.

Son érémitisme se distingue de celui du moine qui le vit comme une abstraction au monde propice à mieux communier avec « la création ». En effet, Christopher, lui, ne vibre qu’avec lui-même. Il n’envisage pas et ne tente pas d’intégrer un extérieur à lui. Il en est même incapable, tant l’importance de sa seule fraction individuelle l’empêche d’objectiver ce qui est distant peu ou prou de sa personne. Et cette objectivation n’est pas seulement relative à des congénères humains, elle concerne aussi le monde animal, végétal, minéral, etc. Pour preuve, ses difficultés à dépecer un renne ou à choisir ses baies. La nature n’est pas utilisée pour se lire lui-même. Il n’y a pas de continuité entre lui et la nature, il y a simplement une juxtaposition. Christopher ne cesse de faire part de ses sensations mais ne témoigne pas d’un ressort qui pourrait s’opérer entre la nature et lui. Il rejoint le contemporain qui, dans sa forme exacerbée, est un être qui n’aurait à voir qu’avec lui-même, qui ne fait pas partie d’un tout, qui ne se sent pas concerné par ce tout.

Christopher adhère à lui seul, il ne fait pas preuve d’abstraction de lui, ne tente pas d’intégrer en son sein autre chose que lui. Il adopte une position qui s’apparente à de l’égocentrisme : on le voit notamment lorsqu’il sous-titre sa vie, écrit ses faits et gestes, se parle à lui-même, etc. Ceci concourt à indiquer un rapport exclusif de soi à soi, auto-cyclique. Son moi est l’objet exclusif de son intérêt, de son investigation. S’il était égocentrique, il s’érigerait en centre de l’univers. Or ce n’est pas le cas, puisque ce qui lui est extérieur, il en fait abstraction et donc il ne peut en être le centre : il est l’univers.  Il n’y a que lui, un point c’est tout.

Lorsque Christopher s’attribue son nouveau nom, « Supervagabond », ce n’est pas anodin car l’errance est une démarche de refus de stabilité, d’ancrage, de statisme, de définitif. Elle s’inscrit dans le mouvement et dénote aussi un choix de liberté et d’indépendance. Christopher manifeste sa décision de ne pas s’inscrire et de ne pas se laisser inscrire dans quoi que ce soit.  Il connaît sa destination (l’Alaska) mais ne sait pas comment et de quoi sa route sera faite. Son choix de l’errance, il le maximise (« super »), pour renforcer son intention de ne concevoir son cheminement que comme impossible à endiguer, enrayer, stopper. Rien ni personne ne l’arrêtera, rien ni personne n’aura de prise sur lui. Il sera lisse, sans adhérence possible.  Il sera étanche, un individu à part entière.

Ce que Christopher écrit dans les derniers instants de sa vie, « le bonheur n’est réel que lorsqu’il est partagé », pose la question de l’individualisme mené à son paroxysme. Serait-ce simplement un constat, l’aveu d’une impasse ? Christopher se limiterait-il à reconnaître la faillite de sa quête solitaire d’une absolue liberté ? Au-delà, Christopher veut-il livrer une leçon ? Il ne veut pas faire transparaître sa mort comme un échec. Il déclare son bonheur, l’écrit et ainsi le partageant le rend réel. Il officialise sa découverte des limites de l’individualisme, réintègre le monde, recouvre son identité abandonnée.

Recherche de vérité

L’enjeu de l’individu hypermoderne ne sera plus de « décrocher la révélation en dehors de lui mais d’accoucher la vérité postulée au-dedans de lui » (15). La recherche de sens devient individuelle, « chacun devient l’artisan de sa propre sphère de sens et forge lui-même le sens qu’il entend donner à sa vie » (16).

Christopher explique, à un moment du film, lors d’une de ses rencontres que l’argent, l’amour, la foi, lui importent peu, et que seule la quête de la Vérité l’anime. Il ambitionne, une fois l’Alaska atteint, d’entreprendre cette quête de la Vérité. Il ne semble pas guidé par une recherche de communion avec la nature, de transcendance avec elle mais bien par une recherche de lui-même, ce qu’attestent d’ailleurs ses écrits. Il semble partir du postulat que la Vérité se situe en lui, il lui semble inconcevable que la Vérité puisse exister ailleurs qu’en lui. Il exclut donc de sa quête, et les autres, et la nature. Il n’utilise ni l’un ni l’autre pour se lire lui-même. Il semble chercher à accoucher de sa Vérité, puisqu’il s’estime seul détenteur et seul dépositaire de Vérité.

A un autre moment, il dit aussi que « c’est dans les expériences inédites que les profondeurs de l’âme humaine se découvrent ». Le choix de l’Alaska et le mode de cheminement (errance) pour y parvenir, Christopher veut les appréhender comme des expériences inédites concourant à la découverte de son âme. En fait, s’il cherche l’émergence de sa Vérité, il est en quête de prime abord de nouveauté, d’inédit, puisqu’il les pense nécessaires à cette révélation. Ainsi, comme pour l’individu hypermoderne, sa façon de faire émerger des potentialités intérieures s’exprime dans sa recherche de l’inédit et son évitement du même. Pour lui, un même ne peut générer que du même. Bien que l’itération implique un mouvement, l’individu hypermoderne la perçoit comme statique. Il ressent tout état figé comme du non-agi qu’il assimile à du subi, ce qu’il rejette farouchement. L’Alaska est alors appréhendé par Christopher comme un lieu idéal pour l’expression de ses potentialités, et non comme un lieu qui l’imprimerait et qu’il intégrerait.

« C’est le moment de l’aventure ultime la plus extraordinaire, le combat capital pour tuer l’être factice terré au plus profond et mener à son terme la révolution spirituelle » dira Christopher incidemment. Aurait-il l’impression d’avoir été parasité par des éléments étrangers à sa personne ? Il ne veut sa Vérité que pure et fera le vide pour la découvrir. Nous pourrions extrapoler en disant que, pour l’homme hypermoderne, la quête de Vérité (avec un « V » majuscule) se mute en quête d’une vérité (avec un « v » minuscule) car la Vérité ne serait plus unique et commune mais bien vérité individuelle, distincte voire différente pour tout un chacun.

Discussion

 « Le bonheur n’est vraiment réel que lorsqu’il est partagé ». Cette phrase de Christopher McCandless m’a interpellée. L’absence de partage conduit le personnage d’« Into the wild » tout droit vers la mort. Plutôt qu’une question de bonheur, s’agirait-il d’une question de vie dont la maxime serait : « pour rester en vie, il faut partager avec les autres » ? Même si cette maxime peut être applicable de tout temps, l’injonction qu’elle formule n’aurait-elle pas plus de force à notre époque car l’individu hypermoderne « n’a plus les autres en lui » ? Le mouvement incessant vers les autres afin de les retrouver serait alors vital pour lui. Le héros souhaite-t-il faire connaître les limites pour un individu à vivre de manière hypermoderne ? Ou énonce-t-il vers quelle impasse mène l’individualisme lorsqu’il est mené à son paroxysme ?

S’il paraît plus confortable, de prime abord, pour un individu actuel de vivre dans l’instant, déconnecté du tout, de manière indépendante et individualiste, il lui est néanmoins difficile de vivre à long terme de cette façon, et le recours notamment à une permanence, à des points d’ancrage ou à un collectif s’avère nécessaire, voire dans certains cas indispensable. Vivre en hypermoderne à cent pour cent est-ce finalement possible et alors serait-ce pour une durée limitée ?

Christopher se lance dans une quête qu’il veut individuelle et personnelle. Or, elle lui est insufflée par un courant culturel qui érige en idéal l’épanouissement de soi, la quête identitaire, la recherche de bonheur individuel. Christopher ne s’en rend pas compte et persiste à se penser libre de toute forme d’injonction culturelle. Ainsi, je rejoins les propos de Bernard Fourez, à savoir que nous assistons à une éclipse de la culture par le singulier car singulier et culture se superposent et se confondent. Le thème de la culture hypermoderne ne renvoie qu’au singulier alors que toute culture énonce une proposition collective. Dès lors, il devient difficile de percevoir que l’injonction de devenir singulier provient d’une injonction culturelle.

Conclusion

Usant d’une métaphore cinématographique, je dirai que le héros étudié a jeté des coups de projecteur sur l’une ou l’autre caractéristique de l’individu hypermoderne, saillantes à des degrés variés et sous des formes diverses. Néanmoins, je tiens à préciser que j’ai conscience des nombreuses limites mais également des nombreux biais qui ont encadré ma lecture du film. Ainsi, sans être exhaustive, le fait d’avoir étudié un personnage aux caractéristiques hypermodernes non pas en chair et en os mais au travers d’un média, le fait d’être moi-même individu d’une société hypermoderne, a rendu mon approche ardue et a entravé la distanciation qui est attendue entre l’observateur et l’observé. Une autre limite réside dans le parti pris de considérer l’étude du héros du film comme une monstration plutôt qu’une démonstration, cas de figure dans lequel les déductions ou conclusions auraient pu être vérifiées par la reproductibilité des cas.

Le commentaire de film en tant qu’exercice destiné à éclairer certains aspects de l’hypermodernité est sans doute assez novateur mais je suis convaincue que d’autres approches, d’autres pistes d’investigation, d’autres modus operandi seraient certainement très riches en enseignement. Je relève ainsi, sans que ce soit en aucune manière exhaustif, différentes pistes telles que la naissance et l’explosion du phénomène Facebook ou Twitter, l’analyse et le décryptage du contenu des blogs, les architectures individuelle et collective et l’urbanisation, la montée en puissance de l’écologie, etc.

Myriam Ippersiel

(1) Lipovetsky, G & Serroy, J., L’écran global, Paris, Seuil, 2007, p.10

(2) Ibid., p.68

(3) Ibid., p.45

(4) Fourez, B., Docteur, je manque de confiance en moi in Cahier de Psychologie Clinique, 10, 1998, pp.173-195, p.194

(5) Lebrun, J.P., La perversion ordinaire : vivre ensemble sans autrui, Paris, Denoël, 2007

(6) Fourez, B., Les maladies de l’autonomie in Thérapie Familiale, vol. 28, 4, 2007, pp. 369-389

(7) Ibid., pp.369-370

(8) Ibid., p.370

(9) Gauchet, M., La démocratie contre elle-même, Paris, Gallimard, coll. “tel”, 2002, p.254

(10) Marcel Gauchet écrit que l’individu « ne l’ignore pas, bien évidemment au sens superficiel où il ne s’en rendrait pas compte » (ibid., p.254)

(11) Gauchet, M., La démocratie contre elle-même, Paris, Gallimard, coll. “tel”, 2002, p.254

(12) Fourez, B., Les maladies de l’autonomie in Thérapie Familiale, vol. 28, 4, 2007, pp.369-389

(13) Gauchet, M., La démocratie contre elle-même, Paris, Gallimard, coll. “tel”, 2002, p.245

(14) Fourez, B., Les maladies de l’autonomie in Thérapie Familiale, vol. 28, 4, 2007, pp.369-389, p. 370

(15) Fourez, B., Personnalité psychofamiliale, personnalité psychosociétale in Thérapie Familiale, vol. 25, 3, pp.255-275, p.258

(16) Aubert, N. (dir.), L’individu hypermoderne (2ème édition), Paris, Eres, coll. « sociologie clinique », 2006, p.83

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Aide à la jeunesse : lorsque le parent paraît

 Au milieu des années 1970, une émission radio intitulée « Lorsque l’enfant paraît » et animée par Françoise Dolto voit le jour sur les ondes de France Inter. Cette émission avait pour objectif d’introduire au sein du cercle familial une nouvelle conception de l’enfant. Ce n’est plus une vision de l’enfant centrée sur ses besoins corporels et physiologiques, un nourrisson, mais sa prise en considération comme un individu à part entière, une personne, un bébé. L’enfant devient un être au progrès permanent dont la phase infantile est déterminante pour le futur. Raison pour laquelle les parents de la génération 68 étaient à l’écoute de conseils et de recettes pédagogiques offrant la possibilité d’entendre la souffrance de l’enfant en lien avec l’éducation répressive. Comme le souligne Laurence Gavarini (1), « un savoir acquis ne suffit probablement pas à transformer les représentations sociales en profondeur. C’est donc plutôt l’ambition créatrice et radicale de toute une génération qui a permis de jeter un autre regard sur le berceau ».

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Le socialisme est-il soluble dans l’écologie politique ?

Compte-rendu écrit par Jean-Marie Lacrosse et publié dans Résolument jeunes, n°32, septembre-novembre 2010.

A l’intérieur de son cycle de conférences sur le socialisme dont Résolument jeunes a déjà rendu compte à plusieurs reprises, le cePPecs avait programmé deux séances spécialement consacrées à la question écologique (1), une question dont l’importance cruciale n’est heureusement plus à plaider mais qui, malgré et à travers cette reconnaissance, reste marquée par de profondes ambiguïtés que l’échec retentissant du sommet de Copenhague a rendu sensibles et qui se révèlent dans l’oxymore même que nous avons forgé à ce sujet : « croissance durable » ou « développement durable ».

Une clarification philosophique s’imposait donc à partir de laquelle seulement on pourrait mieux poser la question d’une vision spécifiquement socialiste de l’écologie, s’éloignant résolument de la pensée qui domine actuellement sur ces sujets : l’écologie politique.

Sous le titre « Volonté d’abondance, volonté de croissance », c’est cette salutaire clarification que nous propose Jérôme Batout. L’entreprise exige préalablement une déconstruction/reconstruction en règle de deux concepts clés de la modernité : production d’une part, valeur de l’autre.

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L’incontournable réorientation de la gauche européenne

Compte-rendu écrit par Hélène Lacrosse et publié dans Résolument jeunes, n°31, juin-août 2010.
L’enregistrement audio de la conférence d’Ernst Hillebrand est disponible ici.

Dans cette conférence donnée au CePPecs le 13 mars 2010, Ernst Hillebrand, directeur du bureau parisien de la fondation Friedrich-Ebert, s’interroge sur  la crise actuelle du socialisme. Au-delà des particularités nationales et régionales, il s’agit bien pour lui d’une tendance générale dont les élections européennes de juin 2009 et la défaite du centre gauche à peu près partout en Europe ont été le marqueur le plus criant.

Il s’agit dès lors pour lui de questionner les changements tectoniques que la société a connu ces trente dernières années au niveau politique, économique et social et qui expliqueraient en partie l’inadéquation du programme actuel de la gauche, ainsi que les enjeux centraux que devrait intégrer son offre politique de demain si elle souhaite réellement faire une différence.

Parmi les transformations à prendre résolument en compte figurent tout d’abord les nouvelles lignes de fracture sociale. Sur le marché du travail notamment se dessine une problématique « insider-outsider » qui éloigne une partie de la population d’un travail et de revenus stabilisés. Dans plusieurs pays d’Europe, le taux de chômage des jeunes tourne autour des 25%, alors que les contrats à durée déterminée se multiplient pour eux. Un conflit générationnel se fait jour entre des jeunes aux conditions de travail précaires et ceux, généralement plus âgés, dont les conditions de travail sont plus assurées.

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Pierre Clastres et la révolution copernicienne de l’anthropologie politique

Tous ceux qui ont fréquenté la pensée de Pierre Clastres, accidentellement décédé il y a 32 ans, en 1977, ont été saisis par la dimension proprement révolutionnaire de son oeuvre. Pourtant son immense apport du point de vue de la philosophie politique, de l’anthropologie, de la poésie, de l’écriture s’est soldé par un silence prolongé autour des questions qu’il a soulevées. La philosophie politique aussi bien que l’anthropologie contemporaine sont quasi-unanimement restées aveugles à cette révolution « copernicienne » -ainsi qu’il la qualifiait lui-même- et maintiennent une pesante chape de plomb sur ces questions.

La découverte de l’institution de la réciprocité par Marcel Mauss, de la parenté par Levi-Strauss et des institutions politiques « primitives » par Pierre Clastres sont cependant bien les trois jalons essentiels de la discipline anthropologique au 20ème siècle.

Nous avons mis en ligne une compilation de ses principales interventions radiophoniques.

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Conférences en vidéo

Sur cette page vous trouverez l’ensemble des conférences disponibles au format vidéo.

Marcel Gauchet, L’impossible entrée dans la vie

Laurent de Briey, Peut-on vouloir dépasser le libéralisme sans être socialiste ?


Hervé Juvin, Un socialisme sans limites ? La chute d’un mythe du XXe siècle

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