Entretien avec Sébastien Dupont publié sur le site web leplus.nouvelobs.com le 7 juin 2012.
Propos recueillis par Louise Auvitu.
Jeunes, mais désespérément seuls. Selon le rapport 2012 de la Fondation de France, la solitude toucherait 4,8 millions de Français. Un bond de 20% en deux ans qui touche surtout les 30-39 ans (9%). Pourquoi eux plus que les autres ? Sébastien Dupont, psychologue et auteur de « Seul parmi les autres » (Éditions Érès, 2010), avait répondu au Plus lors de la publication d’une précédente étude.
Il faut bien distinguer le sentiment de solitude (la solitude « perçue ») de l’isolement social réel, car les deux ne vont pas toujours de pair : les personnes qui se sentent les plus seules ne sont pas nécessairement les plus isolées socialement, et vice versa.
Un sentiment subjectif, relatif et culturellement déterminé
Le sentiment de solitude est hautement subjectif. Les jeunes ont souvent une vie affective et relationnelle riche, mais ils restent très sensibles à la solitude.
Surtout, le sentiment de solitude est relatif, à la manière du sentiment de pauvreté. On se sent d’autant plus pauvre que l’on côtoie des gens riches, ou que la société qui nous entoure nous fait penser que l’on pourrait devenir riche. À Las Vegas, par exemple, tout le monde peut se sentir relativement pauvre face aux potentialités d’enrichissement que les casinos font miroiter.
Le sentiment de solitude est aussi culturellement déterminé. Aujourd’hui, les jeunes cherchent à avoir toujours plus d’amis et pensent que leur valeur individuelle dépend de leur capital social, voire de leur notoriété (sur le modèle de l’audimat). Du coup, ils ont tendance à dévaluer systématiquement leur propre vie sociale en la comparant à des idéaux très élevés de grande sociabilité, voire de célébrité.
Les multimédias ne sont pas la cause de l’isolement social
Internet, facteur d’isolement ? Une idée reçue. Je pense que les multimédias ne font qu’accompagner ou accentuer des phénomènes inhérents à la vie sociale : les gens sociables dans la vie « réelle » le seront également sur internet, et inversement.
Il faut relativiser l’impact de Facebook et l’idée que les jeunes vivraient dans l’ »illusion » d’avoir des dizaines et des dizaines d’amis, sous prétexte qu’ils les comptent dans leurs listes de contacts. On aurait pu dire la même chose, il y a vingt ans, de la liste de dizaines de personnes que chacun comptait dans son répertoire de numéros de téléphones et d’adresses, qui ne rassemblait pas que des amis proches.
