Le porno peut-il faire l’éducation sexuelle de nos enfants ?

Article écrit par Jean-Marie Lacrosse et publié dans Résolument jeunes, n°30, mars-mai 2010.

On saisit d’emblée toute l’ambigüité que recèle le titre ci-dessus. Si l’on entend « peut-il » dans un sens normatif, la plupart d’entre nous, jeunes ou moins jeunes, répondraient sans doute : certainement pas ! Si par contre on l’entend dans un sens factuel, eh bien la réponse est au contraire qu’il remplit déjà très largement cette fonction, de manière bien plus attractive pour les ados que nos mornes séances d’éducation à la sexualité qui s’inscrivent entièrement dans une perspective anatomo-physiologique. Tout dépend évidemment de ce que l’on entend par éducation sexuelle et éducation tout court.

Car les faits sont là, il n’est pas excessif de parler des « enfants du porno » au sens où on parle des « enfants de la télé ». Cette banalisation d’une pratique qui avait il y a encore 20 ou 30 ans une haute teneur en interdit et en transgression est un fait que l’on peut vérifier de différentes façons et sous différents angles.

Insistons donc d’abord sur un point : l’idée que les filtres parentaux et autres verrous empêchant l’accès direct à la pornographie pourraient avoir une quelconque efficacité est tout simplement un leurre. Les images sexuelles sortent de partout : bloquées sur internet, elles réapparaissent via les téléphones portables et autres Ipod et Iphones. L’accès direct et quasi sans entraves aux scènes de sexe les plus hard se révèle d’une simplicité « enfantine ». Il est totalement illusoire de penser établir une cloison étanche entre un monde enfantin où règnerait la pureté et l’innocence et un monde adulte où prévaut la consommation à grande échelle de spectacles pornographiques.

XXX, films « adultes »

Avant donc d’examiner la scène adolescente, il est utile de s’intéresser quelque peu au tableau insolite que présente le monde adulte à cet égard. Car c’est bien une véritable obsession collective que manifeste notre société dans son rapport à l’image pornographique. Et c’est à cette obsession que s’adresse l’industrie du porno dont les ateliers tournent à plein régime 24h sur 24 pour répondre à une demande mondiale où le spectacle « live » occupe une place de choix. Les chiffres d’affaires sont astronomiques, la moitié du chiffre d’affaires de Hollywood provient, semblerait-il, de l’industrie du porno.

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La crise idéologique du socialisme

Compte-rendu écrit par Martin Dekeyser et publié dans Résolument jeunes, n°30, mars-mai 2010.
Le philosophe et historien Marcel Gauchet inaugurait samedi 6 février 2010 un cycle de conférences consacré au socialisme organisé par le CePPecs en partenariat avec RESOJ/ProJeuneS (Fédération des jeunes socialistes et progressistes), la FBJS (Fédération Bruxelloise des Jeunes Socialistes), les Jeunes Socialistes d’Anderlecht et l’ISFSC  (Institut Supérieur de Formation Sociale et de Communication). L’enregistrement audio de la conférence est disponible ici.

Pourquoi faut-il s’interroger sur le sens de l’idée socialiste ? Gauchet formule l’hypothèse d’une remise en question au mieux, d’un effondrement au pire, de l’ensemble des supports sur lesquels s’appuyait le croyable et le pensable socialiste. Sous l’effet de l’évolution de nos sociétés depuis la seconde moitié des années septante, le socialisme, tant dans sa branche révolutionnaire ou communiste que réformiste ou sociale-démocrate, est entré dans une profonde crise idéologique indépendante de ses succès comme de ses échecs électoraux, crise dont il faut comprendre les tenants et les aboutissants.

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Jérôme Batout – Volonté d’abondance, volonté de croissance

De Marx à Keynes, le socialisme a toujours eu partie liée avec l’idée de production. Celle-ci s’inscrivait alors dans une visée d’abondance qui permettait d’en penser la limite. Le passage à une pure volonté de croissance sans terme assignable a ouvert la question de ses conditions de possibilité, ce que traduit la notion de croissance soutenable, bien plus opératoire que celle de développement durable.

Jérôme Batout achève actuellement une thèse en philosophie politique à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales (EHESS, Paris).

Télécharger la conférence au format mp3 (clic droit « Enregistrer sous… ») :

Lire le compte rendu de la conférence : Le socialisme est-il soluble dans l’écologie politique ? par Jean-Marie Lacrosse

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Marcel Gauchet – La crise idéologique du socialisme

L’ombre des années 30 continue de peser lourdement sur notre perception de la crise actuelle. Pourtant, soutient Marcel Gauchet, la différence saute aux yeux : l’offre idéologique par rapport à la crise que nous vivons est à peu près nulle. Elle se résume en fait à des succédanés d’idéologies du passé dont les adeptes eux-mêmes mesurent bien le caractère peu adéquat par rapport à la situation.

Responsable de la rédaction de la revue Le Débat, Marcel Gauchet vient de publier les deux premiers livres de L’Avènement de la démocratie,  un ouvrage en quatre tomes qui propose à la fois une histoire philosophique du XXème siècle et une théorie de la démocratie.

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Cycle 2010 : Qu’est-ce que le socialisme ?

Vous pouvez réécouter l’ensemble des conférences que nous avons organisé pour ce cycle.

Il vous suffit de cliquer sur l’intitulé de chaque conférence pour accéder à la page qui lui est consacrée reprenant l’enregistrement audio et, éventuellement, l’enregistrement vidéo ou la retranscription écrite via une publication.

Le socialisme est-il soluble dans le libéralisme ?  Face à l’échec de la solution collectiviste et à l’impasse de l’Etat-Providence, l’être-ensemble ne semble désormais concevable que sous le signe des libertés individuelles, du droit et du marché. Mais cette victoire des éléments clés du libéralisme produit des effets de déliaison des individus, d’anomie, de montée des inégalités et d’impouvoir collectif qui reposent à nouveaux frais les questions qui furent à l’origine du mouvement socialiste : l’émancipation individuelle via l’inscription en société, la justice sociale via l’organisation et la maîtrise consciente du devenir humain via la puissance collective. Le rêve de fraternité humaine n’est pas mort, reste à savoir si nous saurons nous donner les moyens de le concrétiser.

Samedi 6 février – Marcel Gauchet, La crise idéologique du socialisme

L’ombre des années 30 continue de peser lourdement sur notre perception de la crise actuelle. Pourtant, soutient Marcel Gauchet, la différence saute aux yeux : l’offre idéologique par rapport à la crise que nous vivons est à peu près nulle. Elle se résume en fait à des succédanés d’idéologies du passé dont les adeptes eux-mêmes mesurent bien le caractère peu adéquat par rapport à la situation.

Responsable de la rédaction de la revue Le Débat, Marcel Gauchet vient de publier les deux premiers livres de L’Avènement de la démocratie,  un ouvrage en quatre tomes qui propose à la fois une histoire philosophique du XXème siècle et une théorie de la démocratie.

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Quelle émancipation de la jeunesse ?

Article écrit par Martin Dekeyser et publié dans Résolument jeunes, n°29, décembre 2009-février 2010.

Nous tenons des propos contradictoires sur la jeunesse. Certains proclament que son émancipation n’est pas achevée, d’autres qu’on lui accorde trop de libertés. Certains glorifient la créativité de son expression spontanée, d’autres la trouvent par trop soumise au conformisme social du marché. Alors, la jeunesse, trop libre ou pas assez ?

Tout dépend du sens que l’on donne au mot jeunesse bien entendu. D’une certaine façon, une jeunesse pas assez émancipée, ce seraient des jeunes pas assez jeunes, et réciproquement. Mais de quoi parle-t-on si l’on dissocie ainsi les jeunes de la jeunesse ? A qui d’autre qu’eux cette idée pourrait-elle s’appliquer et, dans ce cas, comment continuer dans le même temps à les spécifier ?

Il me paraît indispensable de retracer l’histoire de la jeunesse, l’histoire de cette idée, mais aussi l’histoire de son émancipation, de la place qui lui est reconnue dans la société, bref, l’histoire du statut social de la jeunesse, si l’on souhaite éclairer les termes du désaccord. Pour ce faire, nous disposons d’une thèse remarquable d’un chercheur québécois (1). On peut, montre-t-il, distinguer trois étapes principales dans cette histoire.

Dans les sociétés traditionnelles, les jeunes ne sont pas jeunes si l’on peut dire car ce qui fonde pour nous la spécificité et la légitimité de leur statut social, le fait qu’ils incarnent le changement et le progrès, n’est pas reconnu dans ces sociétés. Celles-ci privilégient au contraire le legs du passé, s’organisent à le perpétuer et à contenir ce qui pourrait le transformer.

Pour ce faire, elles intègrent les jeunes à un ordre auquel ils doivent se soumettre, ordre qui s’étend à la majeure partie de la vie individuelle, et les subordonnent aux adultes, adultes qui incarnent cet ordre social, le leur transmettent et veillent à ce qu’ils le respectent. En contrepartie, les jeunes remplissent certains rôles, occupent ces statuts, reçoivent une reconnaissance sociale et une identité.

C’est dans la seconde moitié du 18ème siècle qu’apparaît la jeunesse au sens où nous l’entendons et que commence sa phase d’émancipation et d’autonomisation. C’est la réorientation de nos nations européennes en fonction d’un avenir supposé meilleur que le passé et non plus de la tradition qui donne une valeur et un statut inédits à la jeunesse, faisant d’elle l’incarnation par excellence du changement. Toutefois, ces nouvelles conditions sociales n’affectent à cette époque que les enfants de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie car la majorité des jeunes est maintenue au travail précoce via la révolution industrielle qui a lieu simultanément.

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Au nom de quoi évaluons-nous les élèves ?

Article écrit par Martin Dekeyser et publié dans Résolument jeunes, n°28, septembre-novembre 2009.

Les professeurs sont confrontés à un nombre croissant d’élèves qui paraissent ne pas avoir leur place dans la classe. Ne disposant pas des prérequis nécessaires aux nouveaux apprentissages, ceux-ci décrochent rapidement et nécessitent un encadrement spécifique destiné à leur faire rattraper leur retard. D’année en année, les enseignants sont ainsi contraints à consacrer de plus en plus de temps à revoir une matière mal assimilée, à travailler des compétences qui auraient dû être suffisamment intégrées auparavant. L’objectif de suivre tout le programme devient alors un parcours du combattant. Certains abandonnent, reportant le problème sur le collègue suivant, d’autres luttent tant bien que mal, risquant parfois d’être convoqués par leur direction pour se voir reprochés, suite aux plaintes d’une partie de leurs élèves, de ne pas se mettre à leur niveau.

L’institution scolaire apparaît bel et bien divisée quant à la question de l’évaluation des élèves, certains estimant que l’on place la barre de plus en plus bas, d’autres un peu voire beaucoup trop haut. C’est lors des conseils de classe que ces divergences apparaissent avec le plus d’acuité. La multiplication des professeurs différents, le manque de temps et de coordination du fait de l’absence d’une personne prenant en charge l’ensemble ne font que renforcer le problème. Peu importe que certains se taisent ou que d’autres prennent la parole, tous ne peuvent que constater l’absence de critères communs d’évaluation. Sitôt qu’un professeur aurait la malencontreuse idée d’entamer une discussion sur le sujet, il se verrait rapidement répondre que le conseil de classe n’est pas le lieu propice à cet effet. Le plus souvent, les interventions se limitent à des considérations moralisatrices ou à de la psychologie de bazar, quand elles ne consistent pas malheureusement à défendre son pré carré. Enfin, le fait de considérer isolément chaque élève, rendant caduque toute comparaison avec ses pairs aussi bien qu’avec les différents ensembles auxquels le rapporter, achève de rendre l’entreprise évaluatrice ingérable.

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Phobie scolaire : une pathologie de la confrontation à l’impersonnel

Article écrit par Bruno Sedran et publié dans Résolument jeunes, n°28, septembre-novembre 2009.

Dans une société comme la nôtre où l’éducation revêt une importance primordiale, la phobie scolaire se présente à nous comme une véritable interrogation. Il y a eu de tous temps l’école buissonnière, les adolescents n’aimant pas l’école, etc… mais aujourd’hui c’est autre chose : de nombreuses institutions psycho-sociales ou d’Aide à la jeunesse sont constamment aux prises avec des enfants souffrant de leur rapport à l’école. Les intervenants sont dans une profonde perplexité quant à la manière d’aborder ce type de situation. Les familles de ces enfants sont demandeuses d’un soutien éducatif et psychologique mais en même temps semblent vouloir se détacher de toute institution. En ce qui concerne les solutions, de nombreuses familles vantent le succès de l’enseignement individualisé ou de l’enseignement à domicile contrôlé par un décret de la Communauté française de Belgique. Dans les lignes qui suivent, je vais tenter de proposer quelques bribes d’analyse de la phobie scolaire pour comprendre ce qui se joue à travers les attentes des parents et l’angoisse des enfants. Afin de donner plus de chair aux observations réalisées, j’assortirai l’analyse de quelques cas cliniques.

L’enfant présentant une phobie scolaire et sa famille

La caractéristique principale de la phobie scolaire est que l’angoisse vécue par l’enfant est liée à l’école. Elle survient soit lors du départ soit une fois l’enfant installé en classe. L’anxiété ressentie progresse en intensité. Elle peut s’étendre à l’ensemble des cours ou se déclencher sur le trajet de l’école. Lorsque les parents forcent l’enfant, celui-ci s’exprime par des cris, de l’agressivité, des fugues ou encore des menaces…

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Qu’est-ce que la cyberdépendance ?

Article écrit par Jean-Marie Lacrosse et publié dans Résolument jeunes, n°28, septembre-novembre 2009.

A plusieurs reprises ces derniers temps (1), j’ai été interviewé sur le phénomène « nouveau » que constituerait la cyberdépendance, déclinée sous plusieurs noms comme « accros d’internet », dépendances aux jeux vidéos, etc. Un phénomène, on s’en doute, en pleine expansion qui suscite une inquiétude spécifique, celle de favoriser chez les adolescents, les passages à l’acte violents.

A chaque fois, j’ai tenté de défendre une idée simple : si l’on veut comprendre quelque chose à la cyberdépendance, il faut d’abord se demander ce qu’il en est de la dépendance en général, le passage du général au particulier restant, nonobstant la phobie du général dont nous faisons preuve en ce moment historique assez étrange, la meilleure manière de tenter d’y voir clair. Non pas, je le précise, que la nouveauté en question, en l’occurrence Internet, serait à considérer comme un élément purement extérieur. Au contraire, la technique nouvelle change en profondeur les données du problème. On ne peut réduire ces changements à de simples modifications de l’environnement, mot fréquemment utilisé mais qui induit une perception tronquée. En réalité, ce qui est déterminant, ce sont les changements qui interviennent dans le monde subjectif des individus et c’est à partir de cette dimension subjective que nous pouvons le mieux saisir la montée en puissance des addictions dans le monde contemporain, la dépendance ou l’addiction en général étant un phénomène qui relève d’abord de la subjectivité humaine.

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La jeunesse, pour quoi faire ?

Article écrit par Martin Dekeyser et publié dans Résolument jeunes, n°28, septembre-novembre 2009.

Au nom de la morale, nous tenons un discours ambivalent sur les jeunes. D’un côté, nous leur reprochons leurs incivilités, leur violence ou la paresse dans laquelle ils se complaisent. De l’autre, nous célèbrons à travers eux une jeunesse idéalisée, généreuse, solidaire et pacifique. Plutôt que de poursuivre dans cette voie sans issue, n’est-il pas temps de se demander à quoi correspond leur situation objective au sein de la vie et d’interroger sa finalité tant pour les jeunes que pour la société ?

La jeunesse, en tant qu’incarnation du changement et du progrès, a triomphé. Elle est devenue l’horizon régulateur de tous les individus. Au moteur de nos sociétés, la dynamique « jeune » s’y applique de part en part. Elle ne connaît de limites à son emprise que celles que nos sociétés et les individus qui les composent se donnent pour changer le monde mais aussi se changer eux-mêmes. Poser la question de la finalité de la jeunesse, c’est donc, en définitive, se demander quel monde, quelle société, quelle vie à venir l’on souhaite, certes, mais d’abord, quel monde, quelle société, quelle vie déjà là l’on souhaite transformer.

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